Les slogans accrocheurs ne manquaient pas pour fêter l'humanité. C'est sous une pluie battante, les pieds dans la boue que je fis mes premiers pas à la Courneuve dans cette foire humaine. Les stands politiques couleur rouge omniprésents à chaque carrefour attiraient le lambda par le fumet de sa cuisine rapide, des T-shirts ça et là, à l'effigie de Jaurès, Rimbaud et du Che se vendaient comme pour délivrer un message révolutionnaire. Il fallait bien mouiller le T-shirt contre l'agression publicitaire afin de justifier ces heures passées à patauger d'un stand à l'autre.
Certains avaient prévu le coup, chaussés de bottes caoutchouc, abrités d'un poncho à usage unique vendu pour l'occasion.
Nous étions nombreux à nous intéresser à l'humanité, du moins, il paraissait que nous le fûmes. Tout était prétexte à la consommation, si ce n'était pas la nourriture, c'était la bière, le vin ou encore des manèges criant au sensationnel. Dieu merci, des affiches étaient là pour nous rappeler ce pourquoi nous étions là, m'ôtant le doute sur le but de ce rassemblement humain. La pluie nous allaient bien, nos godasse étaient crottées.
32 euros, c'était le prix à payer pour avoir la chance de pénétrer dans cette enceinte faite de chapiteaux, de toilettes douteuses. 32 euros pour avoir le droit d'acheter des slogans prônant l'humanité, la liberté, la contestation. 32 euros pour voir au grand jour l'absurdité de cet événement.
Dès l'entrée, des vigiles nous ont indiqué l'endroit où nous pouvions nous procurer un ticket. Une fois obtenu, nous avons fait la queue pour se faire nouer un bracelet au poignet : nous avons posé la main sur une machine afin de nous sceller le poing avec un ruban bleu sur lequel on pouvait lire "Fête de l'humanité". Ce bracelet nous donnait le droit de déambuler où nous voulions, on n'avait qu'à tendre le bras pour dire : "j'ai payé!" et les vigiles nous laissaient passer.
Nous recherchions le chapiteau des Anartistes qui nous avaient gracieusement prêté un stand pour notre fanzine. Les vigiles présents à l'entrée n'étaient là que pour nous guider vers les caisses ou refuser l'entrée aux personnes sans tickets. Une fois rentré, aucune personne n'était prévu pour nous acheminer : il fallait se procurer un plan payant pour se repérer.
Je n'ai pas compté les déchets qui gisaient sur le sol : pas une poubelle décente pour se débarrasser de nos ordures, pas un point d'eau accessible pour rincer nos mains collantes de sauce et/ou de confitures. Mais avec un peu d'alcool, on la ramène moins.
On serait en droit d'attendre un peu de dignité à l'endroit où l'on prône l'humanité, non? Alors bien sûr il y avait des concerts, des rencontres, des débats politiques, des expos... Appâter le client, ça n'a pas de prix ! Il suffit de voir les articles pondus à ce sujet sur la cyber toile pour comprendre l'enjeu capitaliste et politique de cet événement. Beaucoup de blablas et du grattage de nombril, contre une minorité de personnes ayant de réelles convictions humanistes et libertaires.
C'est parqué derrière des grilles qu'on a fêté l'humanité dans l'esprit : "T''as pas de thunes, tu n'as rien à faire ici". Mais avec de de superbes citations révolutionnaires placardées un peu partout, sur des banderoles, des chapeaux, des vêtements, on comprend que c'est pour la bonne cause qu'on se ruine.
BB
